Dissoudre ou se coucher ?

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8 Commentaires

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8 réponses à “Dissoudre ou se coucher ?

  1. dupin1

    Mon cher, il fallait le dire !

    Ce que je remarque de plus en plus, c’est que la sphère médiatique – c’est-à-dire tout ce qui circule comme idées, opinions, palabres, prises de positions, éructations précipitées, violences verbales, arrogance, leçons en tout genre, fake news, complotisme, expertises farfelues, etc – représente bien la réalité du pays.

    Quand « l’opinion publique » est évoquée c’est sur la base de sondages. Ben voyons ! À ces sondages ne répondent que ceux qui le veulent. Moi, quand un institut de sondage me téléphone, je lui raccroche au nez car je déteste qu’on me sonde. D’ailleurs, étudiant j’avais bossé pour la SOFRES et j’avais bien compris comment on parvient à « faire parler » les gens selon les sujets, à travers des questions qui le plus souvent contiennent déjà les réponses. Pas compliqué de faire dire aux gens que décaler l’âge de la retraite à 64 ans c’est pas bien, ou que l’augmentation des salaires c’est cool.

    Pour autant et bizarrement, si les sondages « disent » que le pays se droitise, les médias ont plutôt tendance à diffuser l’idée que les français sont majoritairement de gauche… D’où cette sorte de soutien à tout ce qu’une gauche, dont on connait parfaitement l’état, ressasse en permanence en dépit des réalités contemporaines.

    D’ailleurs de plus en plus les sondages sont déjoués par les élections, ce qui ne semble pas faire réfléchir les médias ni les commentateurs de tout poil. La « realpolitik » demande en effet une certaine sobriété dans l’approche des événements. L’esprit d’équilibre et de compromis doit être une science qui leur échappe, trop compliqué.

    L’approche judiciaire de son côté se montre, pas forcément volontairement, parfois vecteur de doute. Par exemple si on prend l’affaire d’Annecy, tout le monde a vu les vidéos quasiment immédiatement. Mais l’enquête doit bien quand-même démontrer que le dingue est bien le coupable… des fois qu’il y aurait un doute. Pour l’affaire de l’explosion d’hier dans le 5è, tout de suite l’enquête se dirige vers la recherche de malversations, de coupables en fait, pour une explosion due au gaz qui s’appelle un accident.

    Le judiciaire en France, part du principe qu’il faut d’abord envisager le pire et descendre éventuellement vers le moindre, suivant les enquêtes. Mais comme c’est médiatisé, le mal est fait, les gens ne pensent plus qu’au pire avant tout puisque tout est possible.

    (Ce qui est plus marrant, c’est ce grand couillon totalement inutile de Berger qui n’a pas hésité, façon DUPES, à dire à propos du submersible Titan, entreprise totalement débile en effet, que les médias devraient plutôt se concentrer sur les migrants disparus en Méditerranée. L’entrée en politique (je plaisante) de cet imbécile se révèle de très haut niveau… Évidemment, OceansGate est une entreprise US et l’expédition est financée par des tarifs destinés à des millionnaires, alors… Maintenant qu’ils sont morts, ce con pourrait dire « ouf, on a pas eu besoin de rétablir la guillotine ». Ça en dit long sur son projet « humaniste ».) 

    Principe de précaution plutôt exacerbé. Du coup les messages des écolos, c’est panique à bord, écocide et Cie, fin du monde pour demain matin. Ces ânes bâtés qui gouvernent un peuple d’imbéciles n’y comprenant rien, la violence est donc « justifiée ».

    Tout cela me semble relever d’un bon vieux cartésianisme bien français, probablement devenu aujourd’hui obsolète par ses excès. « Je doute donc je pense, je pense donc je suis » ! Méthode fondée au départ sur la science qui dirait la « certitude » , mathématique et physique, alors qu’elle n’est qu’une conception de l’esprit, une croyance qui vient de la volonté, étrangère à l’entendement qui voit et perçoit.

    C’est con car c’est justement ça qui met de côté a priori l’expérience de la réalité. Instiller ainsi le doute à tous les niveaux de la société fait supposer à peu de frais à tout le monde qu’il y a forcément anguille sous roche, détails diaboliques, finalités malveillantes, complot généralisé…

    Autrement dit, nous sommes un peuple d’adolescents puceaux et boutonneux en mal de reconnaissance de Papa Maman, qui voudraient qu’on leur dise des certitudes, la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Mais pour quoi en faire au juste ? Puisque la vérité n’existe pas, ce n’est qu’un concept, il s’agit tout simplement d’une impasse.

    Ce qui existe peut-être un peu, c’est juste l’approche que l’on peut avoir de ce qu’on appelle la « réalité ». Avec sa dose « d’accidents » évidemment car la perfection cartésienne n’a jamais existé autre part que dans des cerveaux aux synapses inféodées à des croyances devenues idéologies, par ailleurs souvent morbides.

    Le peuple français, qui adore discutailler à longueur de journée de tout et de rien, est un peuple bizarre. Dans les sondages en effet, il apparaît déprimé, déçu, malheureux, actuellement en colère et éco-anxieux, etc. En réalité, il sait très bien protéger ses « privilèges », quels qu’ils soient, comme devant les urnes il oublie, tiens, qu’il aurait répondu ceci ou cela à tel ou tel institut de sondage. 

    C’est pour cela que l’on peut préférer aux concepts cartésiens les approches de Pascal, ou de Gassendi par exemple, qui privilégient l’empirisme, l’expérience de la réalité et du sensible, d’ailleurs avec Buffon, le premier sans doute à avoir compris et exprimé clairement ce que des récupérateurs sociologico-médiatico-philosophiques en mal de reconnaissance ont vulgarisé sous le terme sociétal contemporain mis à toutes les sauces d’« anthropocène ».

    N’est-ce-pas là la caractéristique humaine, son humanité, qui risquerait de nous échapper en la confiant à des algorithmes les plus cartésiens qui font florès au profit de théories autoritaristes en tout genre ?

    Amitiés

    Jérôme

    • Le point de vue de l’artiste ! Qu’on peut rejoindre même sans en partager toutes les prémisses… A discuter c’est sûr

      • DUPIN

        Oui c’est la perspective, d’en discuter, étant donné qu’aucune vérité n’existe autrement que par notre conviction.
        Une des questions qui m’enchante, sûrement parce qu’elle n’a pas de réponse: « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Vieille question métaphysique qui a traversé le temps à travers de très nombreux philosophes.
        Pas moins que cette assertion de l’ami Einstein: « En vérité, le temps n’existe que pour que tout n’arrive pas en même temps ».
        La question du « paradoxe » me semble être la première sagesse pensée au monde. Le fait qu’il soit plus complexe qu’avant, ce monde, selon les exégètes contemporains, ne change rien: personne ne sait ce qu’on fout là ni où on va.
        Les simplifications idéologiques sont compréhensibles mais à l’arrivée, elles ne changent strictement rien à la vie.

        • Je dirai davantage « par notre perception » plutôt que « par notre conviction » ce qui militantiserait tout. Tout n’est pas conviction, il est des vérités qui ne repose que sur des faits, des éléments objectifs, sans conviction ni encore moins croyance.
          Par ailleurs sur la question sans réponse qui t’enchante je dirai que « rien » n’existe pas en tant que vide absolu. « Rien » est donc nécessairement « quelque chose » même un temps soit peu…

          • dupin1

            Ok avec certitude, mais perceptions deviennent souvent convictions.
            Par-delà la vieille « querelle du vide » opposant Pascal à Descartes, il n’en reste pas moins que ce dernier, en enterrant l’humanisme, a « autorisé » les systèmes de planification à coup d’équations, déterminisme désolant niant les évidentes multiplicités des humains et du monde.
            Dans ce monde enfin à peu près perçu aujourd’hui dans son entier chaotique, il faut certainement, avec Montaigne, se ré-approprier l’incertitude pour la choyer comme méthode.
            – Plaisir du paradoxe: l’origine du mot « rien » c’est « quelque chose ».
            – Gymnastique synaptique: « Bien que nos renseignements soient faux, nous ne les garantissons pas » (Erik Satie).
            – Apéro: 1/3 d’hectopascal, 1/3 de particules élémentaires, 1/3 d’indétermination quantique – bien secouer, cul-sec recommandé pour les cartésiens obsessionnels.
            Dr Dupin, médecin du travail chez Méta.

            • Très belle ordonnance !
              Il faut que tu lises Liu Cixin, trois volumes :
              – le problème à trois corps
              – la forêt sombre
              – la mort immortelle
              Si ce n’est pas déjà fait, fonces !

              • dupin1

                D’ac !
                Pas encore lu mais en stock à la bibliothèque du 14è, j’y vais dès que possible, ça m’a l’ait super.
                Merci à toi cher François.

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